La réception tardive de l'oeuvre de Ernst Troeltsch en France nous a privés d'une analyse du christianisme originale et féconde. Elle nuance et enrichit ce que nous savons, au travers de la réflexion wébérienne notamment, des relations de la religion chrétienne à la modernité. Contre les interprétations usuelles qui datent l'émergence de cette dernière de la Renaissance et de la Réforme, Troeltsch insiste sur la centralité des Lumières comme marquant la fin de la civilisation ecclésiastique ; c'…
Read moreLa réception tardive de l'oeuvre de Ernst Troeltsch en France nous a privés d'une analyse du christianisme originale et féconde. Elle nuance et enrichit ce que nous savons, au travers de la réflexion wébérienne notamment, des relations de la religion chrétienne à la modernité. Contre les interprétations usuelles qui datent l'émergence de cette dernière de la Renaissance et de la Réforme, Troeltsch insiste sur la centralité des Lumières comme marquant la fin de la civilisation ecclésiastique ; c'es l'évanouissement de la référence structurante à l'ordre divin qui inaugure selon lui l'entrée dans le monde moderne. Sur la base de ce constat, il s'agit pour Troeltsch de trouver une définition du christianisme qui soit en adéquation avec les conditions de l'existence moderne. Dans son ouvrage datant de 1912, « Les doctrines sociales des Églises et groupes chrétiens », il examine les types « Église », « secte » et « mystique » présents depuis les origines évangéliques, circonscrivant trois modes sociologiques et éthiques qu'il confronte à la modernité. Aucun n'est seul adéquat. Pour durer, le christianisme devra, selon Troeltsch, renoncer à la réalisation d'un programme éthique d'essence religieuse au sein du monde et accepter le cantonnement de la foi dans l'intimité des consciences, tout en s'articulant à des réalités socio-culturelles à l'échelle de tous dont les formes et les transformations internes sont toujours à repenser.The delayed reception of the work of Ernst Troeltsch in France deprived us of an analysis of an original and fertile Christianity. It nuances and enriches what we know, especially through a Weberian reflection, about the relations of the Christian religion and modernity. Against the customary interpretations that date the emergence of the latter from the Renaissance and the Reformation, Troeltsch insists on the centrality of the Enlightenment as marking the end of an ecclesiastical civilization. It is the disappearance of the structuring reference to the divine order that inaugurated, according to him, the entrance to the modern world. On the basis of this observation, Troeltsch is interested in finding a definition of Christianity that would be in harmony with the conditions of modern existence. In his work dating from 1912, "The social doctrines of the Churches and Christian groups ", he examines the categories "Church", "sect", and "mystic" that were present evangelical times, circumscribing three sociological and ethical modes, which he confronts with modernity. No single one is adequate. In order to endure, Christianity should, according to Troeltsch, renounce the attempt to set up an ethical program of a religious essence in the heart of the world and accept the establishment of a faith in the intimacy of consciences, all the while adapting its« to socia-cultural realities applicable to everyone, of which the forms and internal transformations are always to be re-thought