Pour justifier leur activité, les premiers mercantilistes anglais présentent le commerce comme une activité naturelle, qui favorise la paix entre les nations et contribue au progrès de la civilisation. Ils ont en particulier recours à la lex mercatoria, notion héritée du Moyen Âge. L’idée d’un commerce mutuel de l’humanité, mise en avant dans les écrits de marchands, mais également chez un auteur comme Grotius, contraste ainsi avec les théories de la souveraineté liée à un territoire national ch…
Read morePour justifier leur activité, les premiers mercantilistes anglais présentent le commerce comme une activité naturelle, qui favorise la paix entre les nations et contribue au progrès de la civilisation. Ils ont en particulier recours à la lex mercatoria, notion héritée du Moyen Âge. L’idée d’un commerce mutuel de l’humanité, mise en avant dans les écrits de marchands, mais également chez un auteur comme Grotius, contraste ainsi avec les théories de la souveraineté liée à un territoire national chez des penseurs politiques comme Francis Bacon, Thomas Hobbes et William Petty, ou à certains égards chez un juriste comme John Selden. Paradoxalement, alors que la constitution des empires coloniaux coïncide avec l’essor du grand négoce international, la liberté du commerce (free trade) est présentée par ses défenseurs comme une alternative à l’antagonisme entre les États et à la logique de domination induite par les théories modernes de l’imperium. Cette apparente contradiction entre la logique étatique et l’humanisme marchand – ou ce qui se présente comme tel – semble subsister dans les résurgences modernes de la lex mercatoria au XXe siècle. Pourtant, l’idée d’une source du droit indépendante de l’État et s’enracinant dans l’ancienneté des coutumes, l’uniformité des pratiques marchandes ou encore le jus gentium, relève en grande partie de la fable, et d’une construction idéologique visant à dissimuler la réalité des pratiques commerciales. De ce point de vue, la fable de la lex mercatoria joue très certainement un rôle important dans la constitution du topos du doux commerce et la promotion de la liberté des échanges par ceux qui en sont, directement ou indirectement, les principaux bénéficiaires.