Norman Ajari

To be Black means to have ancestors whose humanity has been de-nied by slavery, colonialism, neo-colonialism, and segregation, as well as by many theories elaborated in order to justify and intensify these modes of domination. To be Black also means having to face the enduring legacies of these systems and theories, which predomi-nantly manifest through overexposure to violence and death. Today, premature death and habituation to loss remain constitutive fea-tures of Black experience. Dignity, often de????ined as the inherent value of every single human being, has been a core concept in ethics since Kant, at least. But in both philosophy and modern politics, the claim of respect for the dignity of people has coexisted with deep antiblack-ness. However, apart from the Western understanding of dignity stands another tradition. The concept of dignity is pervasive in Black radicalism, Caribbean philosophy, and African thought since the 18th century. This article draws inspiration from the legacy of these thinkers to elaborate an ethics centred on the speci????icities of racial-ized life.

En 1983, Cedric J. Robinson introduit sous le titre d’une « tradition radicale noire », l’idée d’une généalogie spécifiquement africaine de la lutte contre l’esclavagisme, le capitalisme et l’impérialisme, distincte du marxisme européen. La pensée « afropessimiste»s’inspire d’Hortense Spillers pour mesurer les conséquences de la soustraction des Noirs aux ordres de l’humanité et de la subjectivité politique, en une violence qui convertit les vies africaines en chair. Le poète et théoricien africain américain Fred Moten revisite aujourd’hui ces pensées en inventant un « optimisme noir », qui entend faire valoir l’ambivalence et l’ambiguïté de la noirceur, soulignant ses potentialités particulières et désignant dans « la chair » une possibilité de formuler de nouvelles formes de vie.

S’inscrivant dans le champ des Black Male Studies, cet article montre comment les hommes non blancs sont souvent les grands oubliés des luttes abolitionnistes, et ce alors mêmes qu’ils représentent l’écrasante majorité des personnes incarcérées. Détaillant les raccourcis ou les omissions qui grèvent certains textes de la justice transformatrice, ce texte rappelle ainsi que l’abolition requiert un changement radical d’imaginaire, et qu’elle ne peut se faire sans se confronter à la misandrie raciale.

El ensayo siguiente consiste en una reinterpretación de la obra de Frantz Fanon a partir de la problemática biopolítica iniciada por Michel Foucault. Se analizan los procesos a través de los cuales las vidas de los colonizados se determinan como inhumanas, y se insertan dentro de un "lenguaje de pura violencia", es decir de una red de poderes violentos, soberanos y totalizantes. Fanón va a pensar una puesta en jaque de aquel estado de excepción permanente colonial a partir de la violencia misma, ya que se tratara para él de transformar, sobre la práctica de las luchas, la violencia en ejercicio del descubrimiento de la verdad. In this essay we approach Franz Fanon's work from a biopolitical standpoint as initiated by Michel Foucault. We analyze the processes that lead to the notion of colonized people's life as less than human with a "language of pure violence", that is, within a network of violent powers at the same time sovereign and totalizing. Fanón intends to check that permanent "state of emergency" of the colonies by means of violence itself, since fighting can be transformed from violence alone to the fight for the discovery of truth

Dans la continuité de leurs travaux communs des années 1980, Ernesto Laclau et Chantal Mouffe ont développé parallèlement une nouvelle théorie du populisme. Cet article la définit comme une double ontologie du politique, qui fait droit à la fois à l’inimitié, ou dimension dissociative, et à la délibération, ou dimension associative du politique. Pour distinguer leur approche des populismes de droite, Laclau et Mouffe recourent à un anti-essentialisme intransigeant qui écarte l’histoire des éléments décisifs pour la construction d’un sujet politique. Ce faisant, ils assimilent les mouvements anticoloniaux et antiracistes conséquents au conservatisme ou à la réaction. Une insuffisante problématisation de la question raciale et du militantisme antiraciste, souvent invoqué mais jamais analysé par les auteurs, sont à la source de ces confusions. Cela exige une reformulation du populisme de gauche dont la question du pluralisme pourrait fournir le point de départ.

Cet article retrace les références au léninisme qui traversent la philosophie politique de Carl Schmitt. S’il mobilise plusieurs penseurs marxistes, Lénine est à la fois celui pour lequel il témoigne le plus d’intérêt et celui qu’il condamne le plus radicalement. Admiré pour sa notion de dictature du prolétariat, craint pour sa conception de l’ennemi, c’est finalement son internationalisme radical et sa potentielle adoption par les peuples colonisés qui constituent le scandale de la pensée de Lénine. Ce faisant, la critique de Schmitt révélera une nouvelle signification existentielle du concept marxiste d’internationalisme.