Maître Eckhart affirme dans son oeuvre latine (Commentaire au saint Évangile selon Jean) et dans sa prédication vernaculaire (Sermon allemand 08) son désir d’exposer par les outils de la physique les vérités révélées auxquelles il convient d’adhérer par la foi. Un tel programme exégétique a de quoi surprendre autant le lecteur des traités et sermons allemands qui, pour des raisons que rend évidentes l’histoire de sa réception, s’attend à trouver sous la plume du Thuringien une mystique, pensée a…
Read moreMaître Eckhart affirme dans son oeuvre latine (Commentaire au saint Évangile selon Jean) et dans sa prédication vernaculaire (Sermon allemand 08) son désir d’exposer par les outils de la physique les vérités révélées auxquelles il convient d’adhérer par la foi. Un tel programme exégétique a de quoi surprendre autant le lecteur des traités et sermons allemands qui, pour des raisons que rend évidentes l’histoire de sa réception, s’attend à trouver sous la plume du Thuringien une mystique, pensée aussi spéculative que supra-rationnelle ; que le lecteur de l’oeuvre latine, qui pourrait s’attendre à trouver chez un dominicain du tournant des xiiie et xive siècles une forme de thomisme se refusant à toute tentative de rendre connaissables par la raison les mystères que révèlent les Écritures. Envisagée sérieusement, cette ambition d’expliquer la Révélation par les outils de la physique, science théorétique philosophique, pose donc au lecteur de Maître Eckhart un réel problème herméneutique dans la mesure où elle appelle une réflexion approfondie sur les limites de la connaissance humaine et sur la nature du savoir scientifique. En proposant une reconstruction de l’épistémologie procurant son cadre à la pensée eckhartienne, cette étude se veut l’occasion d’un nouvel éclairage de thèses bien connues de sa « mystique », qui permette de comprendre de quelle manière la conceptualité (méta-)physique de l’aristotélisme s’articule à la Révélation biblique pour rendre intelligible la nature et la surnature, ainsi que les rapports causaux les unissant l’une à l’autre.