Denis Fisette

Sont réunies dans cet ouvrage six études des principaux représentants de ce qu’il est convenu d’appeler «l’école de Brentano». Les deux premières, publiées originellement en 1919 dans un ouvrage en hommage à Brentano, sont deux mémoires en souvenir du philosophe qui décrivent sa vie et son activité philosophique de ses débuts à Würzburg jusqu’à son couronnement à Vienne. Le premier est de Husserl qui décrit en détail l’enseignement qu’il a reçu de Brentano à Vienne et explique les raisons qui l’ont amené à se distancier du maître. Carl Stumpf, le premier étudiant de Brentano, signe le deuxième dans lequel il fournit une description remarquablement riche et documentée de la vie et de l’enseignement de Brentano durant la période de Würzburg, et il est considéré, dans les études brentaniennes, comme une référence incontournable sur cette période. Les quatre autres études de cet ouvrage sont des contributions importantes des étudiants de Brentano à la philosophie. Nous publions pour la première fois en français l’étude classique de Christian von Ehrenfels «Sur les qualités de forme» que d’aucuns considèrent comme le texte fondateur de la psychologie de la forme. Cet article est aussi une référence incontournable pour Alexius Meinong et les membres de son école à Graz, et nous traduisons ici son article intitulé «Sur les objets d’ordre supérieur et leur rapport à la perception interne», dans lequel il conclut sa longue réflexion sur les qualités de forme et met en place les idées centrales de ce qu’il appellera quelques années plus tard la théorie de l’objet. On doit la cinquième étude au philosophe polonais Kazimierz Twardowski dans laquelle il propose une analyse originale de la relation entre les actes (fonctions) et leurs contenus (formations). Il s’agit d’une conférence prononcée à Vienne en 1914 sous le titre de «Fonctions et formations, quelques remarques aux confins de la psychologie, de la grammaire et de la logique» qui se veut une tentative de réponse à l’objection de psychologisme. Enfin, l’article d’Anton Marty «Sur le rapport entre la grammaire et la logique», publié en 1893, aborde un thème central dans les études brentaniennes et il est exemplaire des nombreux travaux de Marty dans le domaine de la philosophie du langage. Ces textes sont précédés d’une étude intitulée «Le legs de Brentano» dans laquelle nous présentons les grandes lignes du programme philosophique de Brentano, la généalogie de son «école» ainsi que quelques-uns des débats suscités par les textes reproduits dans cet ouvrage

Mon objectif dans cette étude est de revoir ses textes principaux sur la conscience dans la perspective des deux thèses qu'il formule sur la conscience au tout début du deuxième chapitre du deuxième livre de sa Psychologie. Dans les trois premières sections de cette étude, je propose une analyse de ces deux thèses en accordant une attention particulière à la relation que Brentano établit entre la conscience et l'intentionnalité. J'examinerai ensuite sa théorie des objets primaires et des objets secondaires par laquelle il articule ses deux thèses sur la conscience. Dans la cinquième et la sixième section, j'examine deux problèmes que soulève la théorie de la conscience de Brentano, à savoir le problème de la régression et celui de la complexité qu'il cherche à résoudre à l'aide de son principe de l'unité de la conscience. Dans la dernière partie, je me pencherai sur quelques écrits de Brentano publiés à titre posthume dans lesquels il fait intervenir la notion d'agent psychique (psychich Tätige) dans ses propos sur la conscience et j'essayerai de montrer que la prise en compte de l'agent dans ces écrits vise à solutionner certains problèmes laissés en suspens dans sa Psychologie.

My working hypothesis is based on the project of a theory of science (Wissenschaftslehre) at the very beginning of the Prolegomena and it consists in conceiving this theory of science as the program which insures their cohesion to the whole of the Investigations in this work. In order to test this hypothesis, I will first examine the different steps which led to the project of a theory of science in the pre-phenomenological period. I will secondly expound the guidelines of the theory of science, insisting in particular on its relation to pure logic. In the third section, I will attempt to define the function of the theory of knowledge and of phenomenology in such a programme. I will conclude with some remarks on the fate of this theory of science after the Logical Investigations. Most of Husserl’s allusions to the theory of science, be it in his lecture notes, the manuscripts that were written after 1901 or other works published during Husserl’s lifetime, seem to suggest that the theory of science kept on assuming the very role it was playing in Husserl’s seminal work: the theory of science provides its basis to Husserl’s philosophical agenda.

Je m'intéresse ici à la question de savoir ce qu’il y a de descriptif dans la phénoménologie et ce qu’il y a de phénoménologique dans l’usage de la notion de description dans la philosophie contemporaine. Pour répondre à cette question, je retrace, dans un premier temps, les origines de la notion de psychologie descriptive au dix-neuvième siècle et j’identifie ensuite quelques-uns des traits caractéristiques du concept husserlien de description; dans un deuxième temps, j’examinerai quelques aspects du concept de description tel qu’on l’utilise dans la tradition analytique depuis le dernier Wittgenstein en portant une attention particulière à la question de savoir s’il recoupe ou non le concept husserlien; dans la troisième partie, j’esquisse rapidement le problème de la conscience dans la perspective d’un fossé de l’explication et j’examine brièvement la question de savoir si et à quelle condition la phénoménologie descriptive peut y apporter sa contribution.

Cet ouvrage est le troisième tome des Textes clés de la philosophie de l'esprit et il comprend onze études classiques portant sur ce qu'on appelle communément le problème de la conscience. Ce problème est étudié sous différents angles et par des philosophes qui défendent des positions fort différentes sur la conscience. Ces études sont regroupées autour de six sections qui portent respectivement sur le problème de la conscience (D. Chalmers), son arrière-plan historique (F. Brentano et W. James), les sources du problème (T. Nagel et F. Jackson), les théories représentationnelles de la conscience (F. Dretske et M. Tye), les théories d'ordre supérieur de la conscience (D. Armstrong et D. Rosenthal) et enfin les problèmes liés à l'explication de la conscience (D. Dennett et J. Searle). Cet ouvrage contient en outre une introduction générale de même que de courtes introductions à chacune des cinq sections.

This paper is mainly about Brentano’s commentaries on Ernst Mach in his lectures “Contemporary philosophical questions” which he held one year before he left Austria. I will first identify the main sources of Brentano’s early interests in positivism during his Würzburg period. The second section provides a short overview of Brentano’s 1893– 1894 lectures and his criticism of Comte, Kirchhoff, and Mill. The next sections bear on Brentano’s criticism of Mach’s monism and Brentano’s argument against the reduction of the mental based on his theory of intentionality. The last section is about Brentano’s proposal to replace the identity relation in Mach’s theory of elements by that of intentional correlation. I conclude with a remark on the history of philosophy in Austria.

Commentaires sur l'interprétation de la phénoménologie chez N. Kaufmann qui préconise une approche que j'ai appelée la lecture frégéenne de la phénoménologie. Je commente brièvement quelques-uns des problèmes liés à cette approche. J'examinerai ensuite le postulat de base de cette approche de la phénoménologie qui consiste à voir dans la théorie husserlienne de l'intentionnalité la tentative d'articuler le concept de directionalité emprunté de Brentano sur la théorie de la signification de Frege. Cette question fait l'objet de la deuxième et de la troisième section où j'examine la thèse suivant laquelle la théorie de la signification de Frege aurait rendu possible à la fois de résoudre les difficultés inhérentes à la conception immanentiste de l'intentionnalité de Brentano, et d'élaborer une théorie relationnelle de l'intentionnalité. Dans la quatrième section, je pose la question de savoir comment et à quelles conditions cette théorie de l'intentionnalité pourrait nous être utile devant les problèmes auxquels nous faisons face actuellement dans la philosophie de l'esprit. Dans la dernière section, j'énumère quelques traits caractéristiques de l'analyse intentionnelle et évalue sa pertinence dans le domaine des phénomènes mentaux et de l'action. Je conclue avec quelques remarques générales sur les difficultés liées à cette approche de la phénoménologie.

Cette étude porte sur l'influence exercée par les travaux de Carl Stumpf sur la pensée de Karl Bühler. Notre hypothèse de travail repose sur le programme philosophique que Bühler attribue à Stumpf et dont plusieurs de ses travaux sont largement redevables. Notre étude est divisée en cinq parties. La première cherche à établir une filiation entre Bühler et l'école de Brentano à laquelle appartient Stumpf. Dans la deuxième, nous montrons que Bühler a pris connaissance des idées de Brentano et du programme de Stumpf durant un séjour à l'Institut de psychologie de Berlin au semestre d'hiver 1904-1905, et nous commentons brièvement, dans la troisième partie, les nombreuses références à Stumpf dans l'œuvre de Bühler et deux ouvrages dans lesquels il prend la défense de Stumpf contre ses critiques. Après avoir établi la connaissance profonde par Bühler des travaux de Stumpf, nous esquissons, dans la quatrième partie, les grandes lignes du programme de Stumpf et examinons, dans la cinquième, la manière dont Bühler l'applique dans le domaine des phénomènes sensibles (gestalt). Nous concluons cette étude avec quelques remarques sur l'évaluation positive par Stumpf des travaux de Bühler.

Article en hommage à Jacques English dans lequel je propose une réflexion générale sur le thème des objets intentionnels en examinant un aspect de la solution proposée par Husserl dans son manuscrit de 1894 sur les objets intentionnels qui concerne le statut ontologique des objets de pensée et leur temporalité. J’aborde cette question par le biais de l’individuation des contenus intentionnels et leur temporalité dans les manuscrits de Bernau publiés dans le volume XXXIII des Husserliana . Je m’intéresse en particulier au sens que prend le principium individuationis dans la cinquième partie de ces manuscrits de Husserl qui s'intitule «De la phénoménologie de l’individuation : la temporalité des objets d’expérience, des objets imaginaires et des objets idéaux».

Lecture frégéenne de la phénoménologie désigne une interprétation de la théorie husserlienne de l'intentionnalité qui s'inspire des travaux de Gottlob Frege. Largement répandue à l'époque dans la tradition anglo-américaine, cette lecture marque un retour aux problèmes fondamentaux qui sont à l'origine de la philosophie contemporaine. Elle désigne aussi une pratique de la phénoménologie qui s'exerce dans d'autres champs de la philosophie contemporaine. Cette étude cherche à reconstituer quelques-uns des débats qui ont marqué cette lecture non orthodoxe de la phénoménologie, d'en expliciter les enjeux et présupposés, et de questionner la légitimité des parallèles qu'elle s'autorise avec la phénoménologie contemporaine.