Marie-Noëlle Ribas

Cet article se propose d’étudier comment Platon, Aristote et Thucydide participent à la remise en question du rôle prépondérant accordé au courage dans le domaine militaire avant la guerre du Péloponnèse. Le courage n’est rien sans le savoir ni l’expérience. Telle est la thèse que ces trois auteurs déclinent chacun à leur manière, qu’il s’agisse pour Platon d’interroger la dimension intellectuelle du courage, pour Thucydide d’établir la complémentarité du courage et de l’expérience, ou, pour Aristote, de faire de la connaissance des particuliers qu’est l’expérience le premier critère dans la désignation des stratèges.

Pourquoi voudrait-on encore connaître la vérité, pourquoi chercher à l’exprimer, si celle-ci est inconnaissable, si elle est incommunicable ou si son expression ne nous confère aucun pouvoir sur autrui? Telle est la difficulté que soulèvent les sophistes, qui nous détournent de la connaissance de la réalité et de l’expression de la vérité au profit d’un usage rhétorique du discours garantissant à qui le maîtrise tout pouvoir sur les hommes. Dans cet article, je montrerai que cette difficulté est au cœur des conceptions platonicienne et aristotélicienne de la vérité qui cherchent à établir ce que les sophistes nient, à savoir que la vérité puisse être désirable. Une affirmation qui ne va pas de soi, étant donné qu’il ne suffit pas de dire la vérité pour être entendu.

"Rien de plus connu que l'opposition entre Platon et Aristote à propos du rôle de l'expérience, en grec, empeiria. Alors que Platon inviterait à détourner notre regard du sensible au profit d'une contemplation exclusive des réalités intelligibles, Aristote opèrerait essentiellement un retour à l'expérience sensible, comme en témoignent, de fait, ses investigations naturalistes et son intérêt marqué pour la pratique. Mais de quelle expérience parle-t-on? En examinant les figures de l'empeiria chez Aristote, Platon et Isocrate, ce livre restitue la véritable querelle de l'expérience. Celle-ci n'oppose pas simplement un maître, Platon, à un disciple rebelle, Aristote, mais différents acteurs d'un vaste débat, dont Isocrate, au sujet de la nature du savoir utile aux hommes en matière de connaissance, de production et d'action."--Page 4 of cover.