Anne Meylan

Cette contribution a deux objectifs principaux. Le premier est de montrer que les intuitions sont caractérisées par ce que j’appellerai « une capacité rationnelle », c’est-à-dire, qu’elles sont susceptibles d’être évaluées quant à leur rationalité ou leur irrationalité. Le second objectif de cet article est d’étayer l’hypothèse selon laquelle les intuitions seraient des états affectifs proches des émotions — et non pas des états doxastiques ou des expériences perceptuelles —, en montrant qu’une telle conception affective des intuitions est seule capable de rendre compte de la spécificité phénoménologique, la modularité, et la capacité rationnelle des intuitions. This article has two purposes. First, it wants to show that intuitions possess, what I shall call, “a rational capacity” : they are mental states susceptible to be assessed as rational or irrational. Second, this contribution aims at providing some evidence supporting the view that intuitions are affective states similar to emotions rather than doxastic or perceptual states. Such an affective account of the intuitions is the only one able to capture the specific phenomenology, the modularity and the rational capacity of the intuitions.

Ce chapitre discute de la justification des croyances testimoniales, c’est-à-dire de la justification des croyances que nous adoptons en nous appuyant sur le témoignage d’autrui. Plus précisément, la question à laquelle cette contribution s’intéresse est celle des conditions nécessaires et suffisantes de la justification des croyances testimoniales. Il y a deux manières classiques, et soi-disant antagonistes, d’y répondre: la réponse réductionnisme et la réponse non-réductionniste. L’objectif de ce chapitre est d’une part de présenter ces deux réponses, d’autre part, d’expliquer pourquoi ce prétendu antagonisme n’en est pas un. Le plan est le suivant. La première partie de ce chapitre est consacrée à distinguer les croyances testimoniales des croyances perceptuelles (section 1. et 1.1). Dans la seconde partie (section 2 à 2.3), nous présentons la réponse réductionniste et la réponse non-réductionniste ainsi que quelques-unes des objections les plus importantes adressées à chacune d’elles. La troisième partie explique pourquoi le prétendu antagonisme entre le réductionnisme et le non-réductionnisme n’en est pas un en exploitant ce que nous appelons « la thèse du malentendu » (3 à 3.2).

Il existe plusieurs facons de mettre en doute ce que nous tenons pour vrai, c'est-a-dire ce que nous croyons. Tout d'abord, nous pouvons, evidemment, nous demander si ces croyances sont vraies. Une autre maniere cruciale d'evaluer le merite de nos croyances consiste a nous interroger sur leur justification. Autrement dit, quelle que soit leur verite ou leur faussete, sommes-nous justifies a entretenir les croyances en question? Et, plus fondamentalement, qu'est-ce qu'etre justifie a croire? Dans Qu'est-ce que la justification?, Anne Meylan tente de repondre a cette question philosophique primordiale en insistant, entre autres, sur le lien essentiel qui rattache le concept de justification a la notion de raison.

The general aim of this article is to consider whether various affective phenomena – feelings like the feeling of knowing, of familiarity, of certainty, etc., but also phenomena like curiosity, interest, surprise and trust – which have been labelled “epistemic emotions” in fact constitute a unified kind, i.e., the kind of the so-called “epistemic emotions”. Obviously, for an affective phenomenon to belong to the kind of the epistemic emotions, it has to meet two conditions: it has to qualify, first, as an emotion, and, second, as an epistemic one. The paper is structured accordingly. The first part is devoted to the question whether the aforementioned affective phenomena really are emotions, while the second part bears on their hypothetical common epistemicity.

À l’origine de la philosophie comme des sciences, il y a, selon Aristote, « l’étonnement de ce que les choses sont ce qu’elles sont ». Nul doute qu’Aristote aurait trouvé en Suisse maints sujets d’étonnement. Qu’est-ce qu’une vache ? Qu’est-ce qu’une montagne ? Qu’est-ce que le Röstigraben ? Qu’est-ce qu’une fondue ? Qu’est-ce qu’un trou dans l’emmental ? Qu’est-ce que l’argent ? Qu’est-ce qu’une banque ? Qu’est-ce qu’une confédération ? Qu’est-ce qu’une horloge ? Qui est Roger Federer ? Qu’est-ce qu’est Anton Marty ? Qu’est-ce que le plaisir de manger du chocolat ? Chaque chapitre de cet ouvrage a été écrit par un spécialiste de renommée internationale et défend une solution claire à l’une de ces questions. Le tout constitue une introduction à la fois accessible et plaisante à un domaine de recherche philosophique aujourd’hui en effervescence : la métaphysique.

We are occasionally responsible for our beliefs. But is this doxastic responsibility analogous to any non-attitudinal form of responsibility? What I shall call the consequential conception of doxastic responsibility holds that the kind of responsibility that we have for our beliefs is indeed analogous to the kind of responsibility that we have for the consequences of our actions. This article does two things, both with the aim of defending this somewhat unsophisticated but intuitive view of doxastic responsibility. First, it emphasizes the advantage of preserving, as the consequential conception does, the analogy with the non-attitudinal realm, i.e., with the realm of actions and their consequences. Second, this article regiments the most important objections to the consequential conception and answers them. The upshot is that there are no serious drawbacks to the consequential conception. There is, therefore, no reason not to favour it over accounts of doxastic responsibility that do not preserve the analogy with the non-attitudinal realm.

Sommes-nous, au moins occasionnellement, responsables de nos croyances ? Une chose est sûre, en pratique, nous considérons souvent que tel est le cas. Mais l’attribution d’une telle responsabilité est problématique dans la mesure où les croyances ne sont pas des états mentaux que nous contrôlons comme nous contrôlons, par exemple, nos actions. Cet article est consacré à préciser, à expliquer et à défendre l’affirmation selon laquelle les croyances ne sont pas des états mentaux que nous pouvons acquérir « à volonté » . Dans un deuxième temps, nous expliquons brièvement pourquoi la vérité de cette affirmation n’empêche pas que nous soyons, au moins occasionnellement, responsables de ce que nous croyons.

In the course of our daily lives we make lots of evaluations of actions. We think that driving above the speed limit is dangerous, that giving up one’s bus seat to the elderly is polite, that stirring eggs with a plastic spoon is neither good nor bad. We understand too that we may be praised or blamed for actions performed on the basis of these evaluations. The same is true in the case of certain beliefs. Sometimes we blame people for what they believe falsely or irrationally. On occasion, we praise them for their intellectual discoveries. The goal of the present study is to describe the foundations which allow for these kinds of judgments. If you think that people are not always forgivable for what they believe, you will find in this book the resources to defend this thought.

Abstract This article raises a worry concerning Ernest Sosa's way of solving the problem of epistemic circularity. Sosa's solution to the problem of epistemic circularity relies on the following claim of sufficiency: for S to deserve to be credited for his true belief, it is sufficient that his belief is, in a sense to be made clear, ?apt?. I argue that this solution undersells the notion of credit. I present three kinds of cases in which the attribution of credit to a believer requires more than the possession of apt beliefs and I defend these cases against possible misinterpretations

L’objectif de cet article est de clarifier les relations qu’entretiennent trois théories de la justification des croyances, toutes considérées comme des théories internalistes 1 : la conception déontique (le déontologisme), la conception accessibiliste (l’accessibilisme) et la conception mentaliste (le mentalisme). Nous expliquerons qu’en dépit de ce que l’on pourrait penser à première vue l’adoption de l’accessibilisme n’implique pas celle du mentalisme. Dans un second temps, nous montrerons pourquoi on ne peut être un défenseur de la conception déontique de la justification sans être également un partisan de l’accessibilisme.2 L’intérêt de ces démonstrations réside principalement dans le fait qu’elles nous permettent de délier —ou, au contraire d’unir— le sort de ces différentes conceptions de la justification vis- à-vis des objections qui leur sont adressées. Faire la preuve de l’autonomie du mentalisme vis- à-vis de l’accessibilisme, par exemple, c’est établir l’immunité du premier vis-à-vis des objections que l’on peut faire au second. L’examen proprement dit des relations qui rattachent ces trois conceptions internalistes de la justification occupe les sections 4 et 5. Les sections 1, 2 et 3 sont des sections introductives. Elles sont, pour leur part, consacrées à la description de ces conceptions.

We frequently praise or blame people for what they believe or fail to believe as a result of their having investigated some matter thoroughly, or, in the case of blame, for having failed to investigate it, or for carelessly or insufficiently investigating. for instance, physicists who, after years of toil, uncover some unknown fact about our universe are praised for what they come to know. sometimes, in contrast, we blame and may even despise our friends for being ignorant of certain ecological facts as a result of their refusing to countenance the evidence. the purpose of this paper is to explore what underlies the legitimacy of this practice—the praise or blame of people for what they know or fail to know as a result of investigation or otherwise—namely, the ability to exercise control over one’s doxastic states, and, in particular, as i will argue, one’s ability to exercise indirect generic control over one’s doxastic states.

A satisfying theory of knowledge has to explain why knowledge seems to be better than mere true belief. In this paper, I try to show that the best reliabilist explanation (ERA+) is still not able to solve this problem. According to an already elaborated answer (ERA), it is better to possess knowledge that p because this makes likely that one’s future belief of a similar kind will also be true. I begin with a metaphysical comment which gives birth to ERA +, a better formulation of ERA. Then, I raise two objections against ERA+. The first objection shows that the truth of the reliabilist answer requires the conception of a specific theory of instrumental value. In the second objection, I present an example in order to show that ERA+ actually fails to explain why it is better to possess knowledge than a mere true belief.

The knowledge-first solution to the New Evil Demon Problem (NEDP) goes hand in hand with a particular conception of the normativity of justification, one according to which a justified belief is one that satisfies some sort of ought or should (Williamson forthcoming). This claim is incompatible with another, well accepted, view that regards the normativity of justification. According to this established view, a justified belief is rather something that is neither obligatory, nor forbidden (see e.g. Alston 1989, 1993, 2006; Ginet 1975). The purpose of this contribution is to settle the debate between these two irreconcilable conceptions of the normativity of justification. The main upshot is that the knowledge-first conception of the normativity of justification, the one on which the knowledge-first solution to the NEDP relies, seems in fact superior.

The value problem of knowledge is one of the prominent problems that philosophical accounts of knowledge are expected to solve. According to the credit solution, a well-known solution to this problem, knowledge is more valuable than mere true belief because the former is creditable to a subject’s cognitive competence. But what is “credit value”? How does it connect to the already existing distinctions between values? The purpose of the present paper is to answer these questions. Its most important conclusion is that credit value is not—contrary to what the upholders of the credit solution have frequently claimed—final value.

This first part of this chapter presents the virtue-reliabilist answer to the classical value problems of knowledge. According to this solution, the reason why knowledge is a better cognitive state than what falls short of it —viz. mere true and true+Gettierized beliefs— is as follows: when a subject knows, she deserves credit for her true belief. The second part of this chapter is devoted to showing that this solution cannot be extended to solve the " new " value problem, that is to say, the problem of explaining why some higher form of knowledge — what Sosa calls full knowledge— is better than some lower form of knowledge, viz. Sosa's animal knowledge. The basic problem for Sosa is that, when a subject fully knows, it is not necessarily the case that she deserves more credit than when she merely has animal knowledge.