Cet article met en évidence la grande difficulté que pose la communication poétique, surtout à partir de Coleridge, pour la théorie empiriste de Vassociation des idées, fondée sur les présupposés hérités de la tradition de Locke et de Hartley. De l'époque de Coleridge au début du xixe siècle, jusqu'à celle d'I. A. Richards et de T. S. Eliot, un siècle plus tard, c'est cette difficulté qui a suscité un débat important parmi les poètes et critiques littéraires britanniques : la discussion autour d…
Read moreCet article met en évidence la grande difficulté que pose la communication poétique, surtout à partir de Coleridge, pour la théorie empiriste de Vassociation des idées, fondée sur les présupposés hérités de la tradition de Locke et de Hartley. De l'époque de Coleridge au début du xixe siècle, jusqu'à celle d'I. A. Richards et de T. S. Eliot, un siècle plus tard, c'est cette difficulté qui a suscité un débat important parmi les poètes et critiques littéraires britanniques : la discussion autour de la possibilité de la communication d'un sens poétique, tel qu'il émerge du génie du poète, à un lecteur qui n'est pas doté de la même force créatrice, et dont les idées prennent nécessairement naissance dans d'autres processus associatifs. Selon l'argument adopté ici, cette difficulté conduit à une crise de l'interprétation qui trouve une possible issue dans les conceptions de la mémoire collective chez Eliot et Richards. Par l'idée d'une mémoire collective, chacun de ces auteurs tente de rendre compte non seulement de la persistance de certaines idées, mais de la transmission du principe de leur enchaînement. En reformulant ainsi les théories empiristes antérieures de l'association des idées à la lumière du phénomène de la mémoire collective, ces auteurs tentent de comprendre la possibilité de la communicabilité poétique en dépit de l'écart qui, selon eux, sépare le poète de son lecteur. This article examines the difficulty that poetic communication poses, above all after Coleridge, for the theory of the association of ideas founded on presuppositions inherited from the tradition of Locke and Hartley. From the period of Coleridge at the beginning of the 19th century until that of I. A. Richards and of T. S. Eliot a century later, this difficulty fueled an important debate among British poets and literary critics: the discussion concerning the possibility of communicating poetic meaning, evisioned by the unique mind of the poet, to a reader who is not endowed wih the same creative capacity, and whose ideas necessarily arise from different associative processes. According to the argument adopted here, this difficulty led to a crisis of interpretation which found a possible resolution in the conceptions of collective memory adopted by Eliot and Richards. By means of the idea of a collective memory, each of these authors attempted to account not only for the persistence of certain ideas, but for the transmission of the principle of their interrelation. By thus reformulating earlier empiricist ideas of association in light of collective memory, these authors attempted to understand the possibility of poetic communication in spite of the distance which, for them, stands between poet and reader.