Florian Rada

Il s’agit dans cet article de proposer une interprétation du projet logique à travers une discussion entre Hegel et Frege. Au-delà des divergences bien connues concernant, entre autres, la formalisation du langage et le rapport aux mathématiques, et après avoir souligné quelques points de convergences parfois remarqués, notamment la critique du psychologisme, nous voulons montrer ici comment la logique se construit, et comment cette construction implique une certaine productivité de la forme logique. Le fait que la forme logique ne puisse pas être abordée de manière immédiate, dans une évidence, conduit à une conception de celle-ci comme développement. Derrière cette présentation « organique » de la logique se joue en réalité une certaine compréhension de la forme dans laquelle celle-ci se produit elle-même dans son explicitation. Cette exigence d’autonomie est comprise à partir d’une analyse, chez Frege, de l’autonomie du nombre. Mais la réponse hégélienne sur le statut de celui-ci nous permet de souligner la contradiction que le nombre abrite. C’est à ce titre que nous pouvons rendre compte, de manière plus détaillée, non seulement du processus d’élaboration de la logique, mais également de la production des contenus : en comprenant le rapport réflexif de la forme comme instauration de la contradiction.

La question de l’espace présente un point d’entrée particulièrement intéressant dès lors que l’on s’attache à comprendre le rapport de Hegel à la physique. Il est en effet un objet thématique de la physique, mais on ne peut le décrire comme un « objet » à part entière. En tant que dimension, sa définition engage une réflexion de la part du discours scientifique non seulement sur son objet, mais également sur sa méthode. Il s’agit, dans cette contribution, de montrer que la soi-disant « confrontation » de Hegel et de Newton sur la question de l’espace doit se lire comme la prise au sérieux par Hegel du caractère méthodologique de l’hypothèse de l’espace absolu. La spécification du discours méthodologique passe par une clarification de sa métaphysique implicite. Or, d’après Hegel, celle-ci est construite, chez Newton, sur la base d’une ontologie modelée par les mathématiques. Sur la base d’une critique de ce rôle paradigmatique implicite des mathématiques, Hegel propose alors une théorie de l’espace comme « idéalité », libérée d’une transposition indue et spontanée du discours méthodologique dans le domaine de l’être.