Francois Euve

Le cosmos a-t-il un sens? Cette question ne peut être abandonnée aux seuls scientifiques, même s’il importe d’enregistrer leurs avancées dans la formulation de propositions. La vision scientifique de l’univers a mis à mal le modèle hiérarchique traditionnel porté par les religions, en imposant l’idée d’une continuité entre les êtres. Il en résulte un «pessimisme cosmique» où la vie est expliquée à partir de l’inerte et le tout est dénué de finalité. Contre ce réductionnisme, le présent article avance des considérations susceptibles de réenchanter le monde post-darwinien

Le thème de la nature revient dans la pensée contemporaine sous le signe de la menace. C’est parce que la nature est en péril que l’intérêt se porte à nouveau sur elle. Le souci d’éviter une possible catastrophe écologique doit-il nous faire revenir à une « théologie naturelle » où chaque composante du monde serait invitée à occuper son « lieu » sous la conduite du « Moteur immobile » ? Dans le monde catholique en particulier, cette nostalgie n’est pas rare. Mais si l’on tient à un certain « anthropocentrisme chrétien », tout en restant conscient des risques qu’il comporte, comment redonner à la nature un statut théologique ? C’est ici le propos du présent article.Il commence par reprendre la composante anthropologique de l’héritage chrétien qui contraste avec le cosmocentrisme de la pensée antique. Il s’interroge ensuite sur la nouvelle vision de la nature. L’approche globale s’accompagne d’une perspective évolutive que l’on peut qualifier d’« historique », qui invite à s’interroger sur l’avenir du monde, plus ouvert et donc plus risqué, que dans les visions anciennes. Dans cette « dramatique » de l’histoire naturelle, la théologie peut apporter sa contribution.The subject of nature has come back into contemporary thought under a threatening cloud. It is because nature is endangered that so much interest is being taken in it. Should the concern with avoiding a potential ecological catastrophe make us come back to a “natural theology” in which every component of the world would be requested to occupy its “place” under the guidance of the “Immobile Mover”? This nostalgia is far from rare, especially in the Catholic world. However, if we prize a certain “Christian anthropocentrism,” while remaining quite aware of the risks it involves, how can we give a theological status back to nature? This is the subject of the present article.We thus begin by taking up the anthropological aspect of Christian heritage that stands in contrast to the cosmocentrism of Ancient thought, and then examine this new vision of nature. This global approach is accompanied by a progressive perspective that can be qualified as “historical” and that incites us to investigate the future of the world, which is thus more open and more hazardous than in the worldview of Antiquity. Within the framework of this “drama” of natural history, theology has a contribution to make

Hoje em dia é muito frequente sublinhar-se o divórcio entre a Filosofia e a Ciência moderna, pós-galilaica. Isso não acontece certamente por acaso, pois a paciência do questionamento filosófico é, no mínimo, antinómico dos procedimentos de cálculo que asseguram o sucesso da "tecnociência". A verdade, no entanto, é que o desenvolvimento das investigações científicas no século xx fizeram aparecer uma problemática filosófica muito concreta e intrínseca a estas mesmas investigações. Antes de mais, o tempo e a temporalidade passaram a ser seriamente tidos em conta. De resto, segundo o artigo, é precisamente a partir da noção de um mundo em "processo" que se torna possível configurar um verdadeiro diálogo entre Filosofia e Ciência. Nessa medida, o autor do presente artigo propõe-se estabelecer um confronto entre os pensamentos de Edmund Husserl e de Alfred North Whitehead, dois filósofos formados na escola da ciência moderna, em ordem a definir os termos do diálogo possível entre a Filosofia e a Ciência. /// In our scientific culture it is rather common to see a divorce between Philosophy and Modern Science. This is, after all, not very surprising, since there is an antinomy between the patient questioning of Philosophy and the efficacious procedure of the calculus that underlines the success of the "technoscience". Nevertheless, the development of the scientific research in the XXth century brought to the fore the philosophic dimension inherent to these investigations. Particularly, time and temporality became crucial aspects of the scientific investigation of reality. Hence the importance of the idea of "process", an idea that, in accordance with the author of the article, allows the possibility of a serious dialogue between Philosophy and Science. Moreover, the article defends that the confrontation between the positions of Edmund Husserl and the ones defended by Alfred North Whitehead, two philosophers schooled in the domains of modern science, can constitute a serious start for this necessary dialogue between Philosophy and Science.

Dans cet article sont identifiés les principaux défis que la théorie darwinienne de l'évolution pose à la théologie chrétienne: défi à la théologie naturelle, l'action divine n'étant plus nécessaire pour rendre compte de l'origine des vivants; défi à la théodicée, le prix exorbitant payé par des individus et des espèces au fil de l'évolution rendant difficilement pensables la bienveillance et la toute-puissance de Dieu; défi à l'omniscience divine, puisque le processus évolutif obéit à un mécanisme aléatoire apparemment dépourvu de toute finalité. Les ressources de la théologie contemporaine pour relever ces défis au coeur d'une conversation avec le récit scientifique sont ensuite explorées

L’importance de la raison scientifique dans la pensée moderne doit inciter le théologien à conserver un dialogue avec cette raison. C’est d’autant plus le cas aujourd’hui où, d’une part, les sciences de la nature étendent leur entreprise à la question de l’homme et, d’autre part, elles sont soumises à diverses critiques. La visée de cet article est de montrer qu’au-delà de la légitime prise en compte de ces critiques, un dialogue avec une raison scientifique renouvelée, davantage sensible à l’histoire et à la dimension collective, peut être un apport à la théologie fondamentale. Il procède de la conviction que ce qui se joue dans l’aventure scientifique moderne a à voir avec une théologie chrétienne, sensible à la liberté de la créature humaine

This article presents the intellectual approach of an important thinker of the contemporary world, Michel de Certeau (1925-1986), to show its coherence. At the first look his work seems confusing: it addresses both the mystical phenomena of the past and the daily life of his contemporaries. His interests are multifaceted: he was at the same time theologian, historian, sociologist, philosopher of history. His work is a permanent research in a world in perpetual transformation. Although his main field of research was history, his first works dealt with theological problems. The interest of M. de Certeau begins by the analysis of mysticism as a phenomenon characteristic of the beginning of modern times. This leads him to take a broader interest in history as a set of events that cannot be reduced to a “system”. The spiritual experience of that period offers a clue to understanding current events. A significant part of M. de Certeau’s works deals with the problem of “modernity” and “everyday life”. There is a will to “think about event”. In the last part of his life, he works on the anthropology of the everyday life of “ordinary” people, in order to show the capacity they have to “invent” their existence by “tinkering” with the materials they receive. The religious dimension permeates all his work, his religious themes embrace both historical and contemporary Christianity. Christianity is for him the “religion of event”. That is why it must always remain open to meeting the other. Throughout his creativity Michel de Certeau shows a great concern for the singularity of every person, spiritual experience, interrelations with others.

Pierre Teilhard de Chardin n’était pas théologien de profession, mais son œuvre a surtout été reçue – et parfois contestée – dans le domaine religieux. Il n’a pas prétendu proposer une réflexion systématique mais renouveler la pensée chrétienne pour la mettre en cohérence avec les connaissances scientifiques. C’est ainsi que la théologie doit devenir une recherche permanente. En dépit de quelques limites, en particulier sur la question du mal, sa pensée peut rester inspirante pour le travail du théologien. Dans le dialogue avec les sciences, c’est une « nouvelle face de Dieu » qui se révèle.