Jean-Pierre Cometti

L'art n'a cessé, depuis un siècle, de relativiser les topoï dans lesquels l'esthétique puisait jusqu'alors ses repères. La teneur n'en a pas été irrémédiablement invalidée, mais le contenu demandait à en être requalifié et redistribué à partir des problématiques qui s'imposent désormais à l'attention. Ce livre s'y efforce à travers un éventail de " questions " destinées à faire le point et à souligner la vitalité de la réflexion philosophique sur l'art à l'âge contemporain. Il offre une alternative aux options méthodologiques courantes, dans le souci d'un meilleur accès aux questions et aux œuvres, et dans l'esprit d'un engagement philosophique qui privilégie l'argumentation et les thèses clairement définies.

L'esthetique philosophique et la philosophie de l'art connaissent un essor important, particulierement dans la tradition de philosophie analytique. Ce volume examine d'abord leurs evolutions et perspectives depuis une vingtaine d'annees, grace a un panorama general des questions vives qui s'y posent et a travers une reflexion approfondie sur la notion meme d' esthetique. Une deuxieme partie porte sur la question de la representation, l'un des secteurs le plus profondement renouveles, avec la querelle opposant les tenants du conventionnalisme et ceux du realisme iconique, et l'importance renouvelee des notions de ressemblance et d'imitation qu'on avait pu croire perimees. Enfin, une troisieme partie est consacree aux notions qui s'entrecroisent dans le paradoxe de la fiction: comment et pourquoi pouvons-nous etre emus par ce que nous savons ne pas exister, le destin tragique d'Anna Karenine, par exemple? Ce recueil ouvre un acces a quelques-unes des textes les plus significatifs de l'esthetique analytique des vingt dernieres annees, tout en apportant une contribution a une forme argumentative, directe et claire d'esthetique et de philosophie de l'art.

La philosophie de Bolzano est a la source d'une tradition de pensee dont l'importance et l'originalite n'ont pas encore ete appreciees a leur juste mesure. En 1997, 160 ans apres la publication de son chef d'oeuvre, la Wissenschaftslehre, a eu lieu, a Cerisy-la-Salle, un colloque destine a examiner l'interet historique actuel de cette tradition qui s'etend jusqu'a Musil et a la seconde guerre mondiale. Ce volume est destine a offrir une vision panoramique, enrichie de plusieurs etudes de detail, des idees et des oeuvres qui, de Bolzano a Musil, ont renouvele le champ intellectuel et philosophique europeen.

La philosophie de l’art de Danto se réclame expressément d’une conception à la fois historiciste et essentialiste ; elle se concentre sur la question des « indiscernables ». Le pop art, avec Warhol, joue à cet égard le rôle d’un experimentum crucis. Le présent essai s’efforce de mettre en lumière la complexité et les ambiguïtés des analyses et des positions défendues par Danto, en proposant une interprétation de l’« indiscernabilité » qui prend à revers les démarcations postulées. On y soutient l’idée d’un continuum qui en constitue en réalité l’arrière-plan à la fois culturel et économique.

L’héritage dont on a coutume de créditer Marcel Duchamp nous place face à des ambiguïtés que son seul nom ne suffit pas à dissiper. L’artiste le plus cérébral de son temps est aussi celui qui se prête le moins aux « théories » ou aux semblants de définition qu’il a inspirés. La question que pose Duchamp est moins celle de la marque qu’il a durablement imprimée à notre art, que celle de savoir par quelle ironie et à la faveur de quel malentendu on a pu voir en lui l’artisan décisif d’une révolution dont nous serions les héritiers. Duchamp ne parlait pas « au nom de l’art ». On ne peut rien inférer de son « indifférence », sinon les réserves que le mot « art » devrait nous inspirer.

Les representations auxquelles la notion de regle est associee determinent pour une large part notre approche de toutes sortes de questions propres a la sphere de la rationalite, de la logique, de la morale ou du droit. On appelle regle un principe suppose diriger le raisonnement ou la conduite; la signification en est fondamentalement normative, que la fin en soit le vrai ou juste, quelque place qu'elle occupe dans le vaste champ des valeurs. Historiquement, dans l'histoire de la philosophie tout au moins, cette representation de la regle trouve sa contrepartie dans la contingence qui semble frapper l'empiricite; elle s'illustre, pour la pensee moderne, dans l'opposition, d'apparence insurmontable, du est et du dois. Sous ce rapport, la question des regles constitue une question cardinale, et la philosophie peut etre consideree comme une science normative, en ce sens du moins qu'elle ne peut statuer que sur des normes et non pas sur des faits, lesquels relevent de la science empirique qui, elle-meme, ne peut s'en remettre a la seule experience. La metaphysique, autant que les entreprises fondationnelles trouvent leur source et leur justification dans cette opposition et dans les consequences qui en ont ete tirees. C'est dire toute l'importance de la notion de regle, de ce qu'elle recouvre et de l'idee que nous sommes autorises a nous en faire. La portee n'en est toutefois pas exclusivement theorique ou metaphilosophique. Elle touche a la question plus generale des normes, du langage, et de ce qui se trouve ainsi implique dans les situations d'apprentissage, tant d'un point de vue technique que psychologique ou social. C'est a debrouiller une partie de ces questions que ce petit ouvrage est consacre, dans une perspective de clarification qui vise a soustraire la regle a sa hauteur, c'est-a-dire a toute vision qui tend a la dissocier de ses applications.

The question of aesthetic judgment is related to a lot of paradoxes that have marked sustainably the reflection on arts, and even arts as such during their modern history. These paradoxes have found a first formulation, apparently clear, in the very famous Hume's essay: "On the standard of taste", but without to lead to a real resolution. In this paper, I would like to approach the question of Hume by starting from what Wittgenstein suggested about aesthetic judgment in his Cambridge lectures. To this end, I will try to give a wittgensteinian reading of Hume's essay, in order to show that though the question of aesthetic judgment makes certainly sense, the way of considering it - like the way Kant shall consider it later - can be regarded as typical of difficulties Wittgenstein tried to overcome in his investigations on rules. By giving an alternative formulation to this question, we should be able to examine differently the problems of the aesthetic judgment, to underline more precisely the originality of Wittgenstein's approach, and perhaps to better grasp what are its consequences, not only for a better comprehension of the relationship between Wittgenstein’s philosophy and art, but for the type of perplexity to which we must face everytime we meet the paradox inherent to the question of aesthetic appreciation as such: how can we conceive the very idea of a standard involving a normative meaning without making to faint what gives to a work of art its value. We shall see that Wittgenstein’s suggestions, though their contribution to a better understanding of this question is still affected by some ambiguities, are to be reconsidered under the light of his anti-essentialism, and that these ambiguities can be dissipated by dissociating, on one hand, what belongs to his own tastes or to his related thoughts and on the other hand what we can conceive through the ways which were opened by his philosophy beyond his personal inclinations. Despite what gives to the sphere of Wittgenstein's artistic interests its limited character; despite also what drives his attention towards another kind of problems, it may well be that his thought cast a bright light on current artistic practices and therefore on the questions they ask to philosophy